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SAADNA Salah - De l'Algérie vers la France

Mis à jour le 23 mai 2025

Ce témoignage illustre un parcours parmi tant d'autres, une fracture, des réminiscences et, au-delà, un dépassement ouvrant sur un avenir dégagé.
À lire absolument.

  • Commission

@inconnu/ECPAD

« De l'Algérie vers la France

Je suis né en décembre 1954 à Arris dans les Aurès, département de Constantine en Algérie. Jusqu'en 1955 avec mon père, ma mère, mon grand- père et sa famille nous habitions au douar de Timridjine près du village de Foum Toub. Mon père était agriculteur sur les terres de son père et ma mère était mère au foyer.

En 1955 mon père s'est engagé dans l'armée française comme harki; et nous sommes allés habiter, mes parents et moi à Foum Toub où nous avons acheté une maison dans le quartier réservé aux militaires harka.

Dès l'âge de 4 ans (1958) j'ai vu mon père habillé en militaire, partir en opération. Il rentrait à la maison et il nous racontait les horreurs de la guerre. Chaque jour les familles et les enfants attendaient le retour des pères militaires avec la lourde angoisse qui pesait sur nous, peur de les voir blessés ou la mauvaise nouvelle celle de leur mort. 
Mes parents racontaient comment des personnes âgées, hommes et femmes : des grands pères et des grands mères ont été égorgées par le FLN dans les douars de Tibkaoïne et de Timridjine. Mon grand-père maternel et le grand-père paternel de ma future épouse en furent les victimes. Ces personnes étaient innocentes et sans défense.

En 1960 pendant la fête du sacrifice du mouton, les gens du FLN ont tiré sur nous, les enfants, vers 11h du matin, alors que nous étions sur la place du village. Heureusement il n'y eut aucun blessé.

Le19 mars 1962, un défilé d'enfants, encadrés par des adultes << FLN »>, ont traversé le village de Foum Toub avec le drapeau algérien. Ils criaient << vive l'Algérie !» «< abat les traîtres harkis ! ». Ensuite les gens du FLN nous ont confisqué notre maison et nos meubles. Nous avons été obligés de retourner au douar de Timridjine à la maison de mon grand-père. De mars 1962 à à décembre 1963, nous avons vécu dans la peur car la France nous avait abandonné aux mains du FLN. Peur des violences et des agressions des civils et du FLN. Mes camarades de classe, enfants de civils, m'insultaient de fils de traître.

Fin décembre 1963, exaspéré par les menaces et les insultes des civils pro FLN, mon père a trouvé un passeur qui emmenait les harkis sur Alger vers les camps militaires français. Un soir, fin décembre 1963 mon père est venu me chercher à l'école et il me dit que cette nuit nous partons pour la France. Quelle ne fut pas ma joie, le ciel s'est ouvert à mes yeux. 
En effet nous sommes partis clandestinement vers minuit: mon père, ma mère, ma sœur, mon frère, une tante avec ses 3 filles, et un cousin. Nous avons marché sous un grand froid une partie de la nuit et avons attendu le taxi. 
A 5 heures du matin le taxi est arrivé en raz campagne et nous sommes partis; dans la voiture, une DS 21 familiale. Nous étions 6 enfants et 5 adultes. Nous avons roulé toute la journée, la peur au ventre d'être arrêtés par le FLN ou les civils pro FLN.

Vers 17 heures nous sommes arrivés au bout d'une longue allée traversant une forêt, se terminant sur l'entrée du camp militaire français. Devant la barrière, le taxi nous dépose. Nous voulons rentrer dans le camp mais le garde refuse. Les gens du FLN derrière nous, nous attendaient. Il s'est passé quelques longues minutes et soudain un officier, le lieutenant de Timgad, apparaît sur un cheval. Il reconnaît mon père et il fait lever la barrière au garde. Le miracle a eu lieu, nous étions sauvés.

Nous avons attendu trois semaines dans le camp militaire à Zéralda près d'Alger. Le transfert vers le port d'Alger s'est passé sous des jets de pierres et d'insultes des civils pro FLN. A bord du bateau qui nous emmenait pour Marseille, nous avions encore peur que le FLN nous empêche de partir. Quand le bateau s'est éloigné du quai d'Alger vers 17 heures; c'était la délivrance ! 
Le lendemain nous sommes arrivés à Marseille, les militaires nous ont fait monter dans le train pour Rivesaltes. Nous séjournons dans le sinistre camp de Rivesaltes de janvier 1964 à juillet 1964.

Ensuite l'office des rapatriés nous place dans la Cité de l'Oasis, hameau spécifiquement destinés à 40 familles harkies qui se situe à 3 km de Saint Valérien dans l'Yonne. La population, par méfiance et hostilité, ne souhaitait pas que cette cité soit construite près du village. Chaque jour nous marchions 4 fois 3 km pour aller à l'école. Mes parents devaient tout apprendre le français, le mode de vie à la française, se véhiculer pour aller travailler dans les entreprises. Nos mères devaient aller faire leurs courses et accompagner les enfants à l'école.

A l'école les élèves métropolitains nous évitaient au début. Les maîtres et les professeurs ont été merveilleux : ils nous ont consacré beaucoup de temps pour essayer de remonter notre niveau scolaire.

La guerre d'Algérie a brisé mon être intérieur. J'ai perdu mon enfance qui s'est transformée en adulte prématuré, avec des cauchemars: être capturé par le FLN pour être égorgé. Je revois les victimes, personnes âgées innocentes égorgés par le FLN. Longtemps j'avais peur de dormir seul dans une chambre et impossible de rester dans le noir.

Lors de la journée du 19 mars 1962, lors de la célébration du 25 septembre journée des harkis, mes angoisses, ma tristesse reviennent à la surface et bien des questions passent dans mon esprit :

  1. Nous avons de la chance d'avoir réussi à rejoindre la France sains et saufs. Nous avons échappé à la mort, à la misère; nous avons gagné le confort, la culture, la civilisation...... Et je pense à mes cousins restés là bas, ils n'ont rien de tout cela !
  2. Les Algériens traitent les harkis de traîtres, alors que l'Etat algérien prend naissance que le 6 juillet 1962; avant c'était la France avec des Français. Par conséquent les harkis n'ont trahi personne.
  3. Les évènements d'Algérie sont avant tout une guerre civile: des Français contre d'autres Français, une minorité embrigadée par le FLN contre la France
  4. Quelle est cette cause aussi «< noble » qui permet au FLN, d'égorger des personnes âgées civiles, innocentes et inoffensives pour justifier « la guerre de libération » du FLN ? »

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