Témoignages recueillis par R.G./harkisdordogne.com, lors de la journée d’hommage aux femmes de la communauté Harkis

1) Découvrez le témoignage d'Aïcha, fille et femme de Harkis, et le parcours de vie de sa famille passée par Saint-Maurice-l'Ardoise et Bias.

« Je suis madame Aïcha M., née en 1945 à Sidi Kamber, à 60 km de Philippeville, dans l’est de l’Algérie. Je suis fille et femme de Harkis. Je suis issue d’une famille de 12 enfants dont 6 sont décédés.

Mon père était mineur dans une mine de plomb. C’était un ancien combattant de la 2e guerre mondiale. 

Il a rejoint l’armée Française en devenant harki dès le début, en fait, ce qui a déclenché ça, c’est lorsqu’il a trouvé un matin son petit frère devant sa porte, égorgé par des membres du F.L.N.

J’ai aussi un frère qui était Harki, en France, il est devenu gendarme.

En Algérie, nous avons vécu dans un camp de l’armée, nous n’étions pas au courant de grand-chose, il y avait des morts... En décembre 1962, nous avons réussi à quitter l’Algérie et nous nous sommes retrouvés parqués au camp de Saint Maurice l’Ardoise. Environ 2 mois après, nous nous sommes retrouvés à Bias, car mon père était grand blessé. Cette vie à Bias était dure, nous ne pouvions pas sortir, les logements étaient insalubres, nous étions maltraités, malheureux, tristes.

Au camp, j’ai connu mon mari et j’avais 21 ans lorsque nous nous sommes mariés. 2 de mes 5 enfants sont nés au camp, que nous avons quitté en 1970, pour Bergerac, où mon mari a travaillé dans une usine et moi, j’étais saisonnière, je ramassais les fraises. 

Nous étions locataire et, en 1975, nous avons construit notre maison où je suis depuis. Je suis fière de mes enfants qui ont tous réussi :

  • 2 de mes filles sont infirmières.
  • 1 est tutrice de personnes âgées à l’hôpital Pellegrin de Bordeaux.
  • 1 autre travaille dans l’informatique.
  • Mon garçon est motard de la Gendarmerie Nationale à Annecy.


Mon mari est handicapé et je m’en occupe du mieux que je peux.

Nous avons commencé à parler entre nous d’Algérie en 1975. Je suis allée en Algérie, c’était comme si j’étais une touriste.

Pour moi, ma vie de famille est une réussite, j’ai élevé mes 5 enfants et aussi 3 de mes frères, car ma maman est décédée à 43 ans, en 1967. Mon père, lui, est mort en 2003 à 88 ans.

Voilà ce que j’ai à dire de ma vie, malgré tout ça, c’est bien... »

NDLR : Texte modifié lors de la pagination.

2) Découvrez le témoignage de Khadidja, femme et sœur de Harki.

« Je me nomme madame Khadidja S., je suis née en 1940, à Champlain, à côté de Médéa, je suis femme de Harki, j’ai aussi un frère qui l’était.

Je me suis mariée en 1957, lui était déjà Harki, il avait 50 ans. Il a fait la guerre 39/45 avec la France, puis il était en occupation en Allemagne, en tout, il a fait 11 ans d’armée avant de devenir Harki en 1956.

En Algérie, nous étions dans un camp pendant la guerre, la vie était dure, nous étions enfermés.

Après le cessez le feu nous sommes partis en bateau, le voyage a duré, c’était pénible. Arrivés en France, nous nous sommes promenés… Nous avons été au camp du Larzac, ensuite nous avons été envoyés à Rivesaltes, puis à Bias.
De 1964 à 1970, nous voilà repartis à Lalonde les Maures, dans un hameau de forestage, jusqu’en 1970, lorsque mon mari a été à la retraite.
« Ils » nous ont renvoyé à nouveau à Bias jusqu’à la fermeture des camps au moment des émeutes que nous avons vécues.

Cette vie dans ces camps : c’était comme si nous étions dans des cages, nous n’étions pas libres.

Je suis allé en Algérie, mais on ne parle pas du tout de ce qui s’est passé. Là-bas, il y a un manque de liberté, à chaque fois que l’on y va, on nous fait des reproches. Pourquoi, on a un passeport Français et pas binational ?

Moi, je suis Française.

Ma vie ça a été mon mari, mort en 1977, et mes 9 enfants.
Pour moi, l’Algérie, ce n’est plus mon pays. »

NDLR : Texte modifié lors de la pagination.

3) Découvrez le témoignage de Jean, appelé du contingent en 1962.


« Je suis Jean G., né en 1943 à Saint Georges de Monclart, en Dordogne. J’ai été appelé pour faire mon service militaire en 1962, au 5ème régiment de Dragon de Périgueux.

Après mes classes nous avons été envoyés à Rivesaltes pour construire des baraquements pour y loger des familles. Sur place, j’ai vu qu’il y avait des familles.

Pour moi, c’était des Algériens, je n’en savais pas plus… Je dois dire que ce n’est qu’après mon service militaire que j’ai su que les hommes de ces familles étaient d’anciens combattants Français ; des Harkis. C’est là que j’ai compris qu’ils n’avaient pas été aidés, pas du tout. Il fallait qu’ils le soient comme il faut. Dès qu’ils arrivaient ils étaient maltraités, c’était l'horreur. 

Plus tard, j’ai connu Hamid, le président des Harkis et j’ai adhéré à l’association. Je suis d’ailleurs allé en voyage à Rivesaltes en 2020.

J’ai revu ce camp délabré avec ses toilettes à l’extérieur des baraques, cela m’a fait mal au cœur. »

NDLR : Texte modifié lors de la pagination.